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Bonjour je m’appelle Jennifer, j’ai 11 ans. Peut-être m’as-tu déjà rencontré lors d’une de mes sorties dans les écoles.

 

C’est les vacances qui s’en viennent! Youhou! C’est super! J’espère qu’il va faire chaud et qu’il y aura du soleil parce que quand il pleut, c’est vraiment ennuyant. Il faut rester dans la maison. Et quand les autres sont devant l’écran d’ordinateur ou de la télé, il n’y a pas grand- chose à faire dans ce temps-là à part lire. Et je n’aime pas lire.

 

Pourquoi? Et bien, je vais te le dire.

 

As-tu déjà composé un mauvais numéro de téléphone parce que tu as inversé deux chiffres? As-tu déjà lu et relu un paragraphe sans tout à fait comprendre ce que tu as lu ? Est-ce que ça t’arrive d’écrire un mot en te trompant dans l’ordre des lettres, de taper les mêmes mots de la mauvaise façon presque à chaque fois ou d’avoir de la difficulté à épeler un mot. Et bien moi, c’est tout le temps. Je ne le fais pas par exprès. C’est que j’ai un trouble d’apprentissage qui s’appelle la dyslexie.

 

Mes premières années à l’école ont été très dures. J’avais beaucoup de difficulté à lire et à écrire. Même quand je savais comment faire les lettres ou écrire un mot, c’est comme si j’oubliais d’une fois à l’autre comment faire. Une fois, pour un devoir, ma mère m’a demandé d’écrire deux phrases : j’ai fait 20 fautes! et quand elle m’a demandé de les réécrire, j’ai fait encore 20 fautes, mais à des mots différents. C’était vraiment très décourageant pour elle… mais surtout pour moi.

 

La lecture aussi était très difficile. Plus j’apprenais de mots et de choses, plus c’était compliqué. Avant qu’on sache que je vivais avec la dyslexie, on me plaçait avec d’autres étudiants qui avaient des difficultés de lecture. Je me sentais différente ou à part des autres et je n’aimais vraiment pas ça! Je commençais à penser la même chose que ce que certains élèves disaient de moi: peut-être que j’étais stupide. Au fond, je savais que non, mais je ne comprenais pas comment eux autres y arrivaient et pas moi. Parfois, je trouvais des trucs pour faire semblant de comprendre ou j’essayais de cacher que je ne comprenais pas. J’ai honte de le dire, mais ça m’est même arrivé de tricher…

 

Un jour, il a fallu faire un devoir sur un livre qu’on avait lu. Quand j’ai appris ça, j’ai paniqué : je me disais que c’était impossible pour moi de lire un livre au complet et de faire un rapport de ce que j’avais lu. J’ai essayé de le faire, très fort même, mais c’était tellement dur que je me suis mise à pleurer et je n’ai pas pu. Alors, plus la date limite pour remettre mon devoir approchait, plus j’étais désespérée. Le jour venu, comme je n’avais rien fait, j’ai décidé de faire ce que je pensais le mieux : j’ai menti. J’ai fait semblant d’avoir lu un livre, mais en fait, j’ai tout inventé : les personnages, l’histoire, tout! J’ai compensé avec mon imagination. J’avais tellement peur que mon professeur s’aperçoive que j’avais tout inventé que je tremblais quand j’ai remis mon devoir.

 

Dans l’autobus, en m’en revenant de l’école, je n’étais pas très fière de moi. J’avais une boule dans la gorge. J’étais sûre de me faire prendre. Quand je suis arrivée à la maison, je me suis mise à pleurer et j’ai tout expliqué à ma mère. Elle ne comprenait pas pourquoi j’avais fait ça. Sur le coup, elle n’était pas très contente, mais après, elle essayait de me consoler. Elle non plus ne savait pas que j’avais la dyslexie. Elle m’a quand même demandée de tout avouer à mon professeur. Je ne voulais pas, mais je l’ai fait. Mme Gendron, mon professeur, était très surprise. Elle m’a dit qu’elle était déçue. Quand elle m’a demandé pourquoi je n’avais pas fait mon devoir, je ne savais pas quoi dire. Elle m’a demandé si j’avais besoin de lunettes ou si elle m’avait laissé assez de temps. Je crois qu’elle se doutait qu’il y avait une raison qui pouvait expliquer mon mensonge.

 

Heureusement, un peu plus tard, on a découvert mon problème. Maintenant, je me sens mieux comprise et certaines de mes difficultés sont moins dures à vivre.

 

Aujourd’hui, je me sers encore de trucs pour m’aider (ou ceux de mon orthopédagogue), mais en tous cas, je ne fais plus semblant et je ne mens plus. Ce n’est pas toujours évident de dire aux autres qu’on a une différence. Surtout quand c’est une différence comme la mienne parce qu’elle ne se voit pas, mais c’est quand même le premier pas à faire pour être accepté comme on est et aussi pour se faire aider.

 

La deuxième année de Jennifer

 

Bonjour,

 

Mon nom est Guylaine Marcotte et j’ai enseigné à Jennifer lorsqu’elle était en 2e année. L’année où Jennifer a appris qu’elle avait des troubles d’apprentissage.

 

Lorsqu’elle était en 1ère année, Jennifer avait déjà beaucoup de difficultés en français. En 2e année, ça ne s’améliorait pas. Presque tous les matins Jennifer me disait qu’elle avait mal au ventre et au cœur. Après vérification avec ses parents, ils me confirmaient que c’était comme ça aussitôt qu’elle se levait le matin. Alors, ses parents me firent part de leur décision, celle d’amener Jennifer passer des examens médicaux dont les résultats sont ressortis tout à fait normaux.

 

C’est en passant des tests avec le psychologue de l’école que nous nous sommes rendu compte que Jennifer avait des troubles d’apprentissage. Par la suite, j’ai rencontré Mme Desrosiers, l’orthopédagogue de l’école de Jennifer, pour qu’elle puisse me donner des trucs pour mieux aider Jennifer à réussir. Par exemple, j’ai fait des petites affiches que j’ai placées sur son bureau. Ces affiches concernent les lettres que Jennifer mélange :

 

Le « b », le « d », le « p » et le « q ».

 

À un certain moment, j’ai dû mettre les choses au clair avec les autres élèves car parfois ils se moquaient des erreurs de Jennifer. Par exemple, un jour elle devait écrire le mot « parc » au tableau mais à la place elle a écrit « barc ». Alors les élèves ont ri, ils lui disaient : « C’est un mot de 1ère  année et tu n’es pas encore capable de l’écrire correctement ». J’ai remarqué tout de suite que Jennifer avait de la peine et qu’elle était en colère. Donc, j’ai immédiatement expliqué aux élèves ce que Jennifer vivait. Par la suite, il y a eu des enfants qui se sont excusés. Au cours des semaines suivantes, il y a même eu des élèves qui aidaient Jennifer, qui essayaient de lui trouver des trucs.

 

Un jour Jennifer m’a dit que ce qu’elle trouvait difficile c’est quand elle devait quitter la classe lors d’une activité intéressante pour aller rencontrer son orthopédagogue. Par la suite, il m’arrivait de faire un combat de complémentaires et je savais que Jennifer aimait ça et qu’elle était bonne, alors j’attendais qu’elle ne soit pas avec son orthopédagogue pour qu’elle puisse participer comme les autres.

 

J’ai bien aimé enseigner à Jennifer. Elle travaillait fort et voulait réussir. C’est sûr que c’était en français qu’elle avait le plus de difficulté, mais, dans les autres matières, Jennifer réussissait bien. Je suis fière du cheminement qu’elle a accompli. Et je suis certaine qu’elle va faire son chemin dans la vie.

 

Guylaine 

 

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